Ce début novembre 2025 marque un véritable séisme dans le paysage de l’intelligence artificielle et de la tech — un moment où les géants se réorganisent, la robotique chinoise passe la seconde, et les régulateurs européens montent au front.
Depuis la Suisse romande, il est essentiel de suivre ces changements : notre région, à la croisée des mondes technologique, financier et académique, est directement concernée.
1. OpenAI : changement d’échelle et enjeux stratégiques
OpenAI se transforme profondément. L’entreprise adopte désormais le statut de Public Benefit Corporation (PBC), une structure hybride entre mission sociétale et levée de capitaux. Objectif : une entrée en bourse prévue pour 2026, avec des chiffres vertigineux — environ 54 milliards CHF levés et une valorisation possible de 900 milliards CHF.
Malgré ce virage capitaliste, OpenAI maintient un discours orienté « bien commun » : modèles open-source, éducation, et applications publiques. Mais la monétisation devient centrale : le générateur vidéo Sora passera payant, via un système de crédits (l’inférence coûte plusieurs milliards par an). Les abonnements professionnels sont renforcés : ChatGPT pourra désormais partager des données internes entre collègues, une vraie révolution pour les entreprises.
Côté innovation, OpenAI lance Hardvark, un agent autonome de cybersécurité basé sur GPT-5, actuellement en bêta fermée, disponible gratuitement et en open-source.
Enfin, polémique : l’entreprise envisage d’autoriser les contenus érotiques (EM content). Si OpenAI estime avoir les garde-fous nécessaires, Microsoft a immédiatement pris ses distances, estimant que « l’IA doit rester neutre ».
Perspective romande : Les instituts comme l’EPFL et l’Université de Genève collaborent régulièrement avec OpenAI et Microsoft sur des projets IA. Une entrée en bourse de cette ampleur va forcément influencer les flux d’investissement et les choix de partenariats, même ici en Suisse. Et la question éthique autour des contenus générés par IA trouvera forcément écho chez nous, où la régulation numérique reste prudente et exigeante.
2. La Chine accélère : robotique et modèles “monde”
Pendant qu’OpenAI restructure, la Chine avance à vitesse éclair. Le centre d’innovation de Pékin a présenté WOW (World Omniscient World Model), le premier système capable d’auto-évaluation et d’auto-évolution.
Cette IA donne aux robots une véritable intuition physique, leur permettant d’apprendre seuls à se mouvoir et à corriger leurs gestes.
- Boomi, robot humanoïde compact (94 cm, 12 kg), est proposé à environ 1 100 CHF, soit moins cher qu’un iPhone ou un MacBook. Il est conçu pour l’éducation et la maison.
- Unitree G1 impressionne : il a tiré une voiture de 1 400 kg, démontrant des capacités d’équilibre et de coordination hors normes.
- Minimax M2, modèle open-source chinois, est optimisé pour les entreprises : rapide, modulaire, et très performant.
- Enfin, la Chine a inauguré un data center sous-marin près de Shanghai, alimenté par des éoliennes et refroidi à l’eau de mer — une innovation écologique qui réduit la consommation énergétique de 40 %.
Perspective romande : pour les start-ups de la région lausannoise, fribourgeoise ou neuchâteloise, cette nouvelle génération de robots « accessibles » change la donne. La Suisse, avec son savoir-faire en robotique (EPFL, Idiap, ETHZ), devra redoubler d’agilité pour rester compétitive face à la production de masse asiatique.
3. Musk contre-attaque : robots, IA et encyclopédie idéologique
Elon Musk n’a pas tardé à répondre à la montée en puissance chinoise.
Il annonce :
- Le robot Optimus V3, prévu pour début 2026 : un humanoïde si réaliste qu’il serait « impossible de distinguer d’un humain ».
- Une ligne de production capable de sortir 1 million de robots par an, avec un objectif futur entre 45 et 90 millions d’unités.
- Et la création de Gripedia (ou Groki pedia) : une encyclopédie concurrente de Wikipédia, entièrement rédigée par IA via Grok. Musk y voit un moyen de contrer les « biais idéologiques » de Wikipédia.
En Suisse romande, ce type de projet questionne : comment garantir une neutralité de l’information dans un pays multilingue et démocratique ? À l’heure où les élèves et les chercheurs utilisent déjà ChatGPT, ces plateformes pourraient redéfinir la manière d’apprendre et de s’informer.
4. Régulation, modération et réseaux sociaux
L’Europe resserre l’étau sur les géants du web :
- TikTok et Meta sont poursuivis pour violation du Digital Service Act (DSA). Les amendes pourraient atteindre 6 % de leur chiffre d’affaires mondial.
- Emmanuel Macron a appelé à une responsabilité accrue des plateformes dans la lutte contre la désinformation, notamment d’origine russe.
- Les plateformes multiplient les outils de contrôle :
- YouTube : détection automatique des deepfakes et minuteur anti-“doom-scrolling”.
- Threads : publications éphémères (“ghost posts”).
- Instagram : test d’un système « Test your algorithm » pour ajuster les thèmes affichés.
- TikTok : intégration de nouveaux outils IA pour le montage créatif.
- LinkedIn : depuis le 3 novembre, l’IA s’entraîne sur les publications par défaut, sauf opposition manuelle.
Côté suisse, la Confédération avance avec prudence : pas d’AI Act national, mais une régulation par secteur (finance, santé, emploi). Cette approche pragmatique laisse une marge d’innovation aux entreprises romandes, mais demande une veille constante pour protéger les données et éviter les dérives.
5. L’IA dans la création et la culture
Les industries créatives vivent un choc.
- Netflix assume désormais ouvertement l’usage de l’IA : effets spéciaux, doublage, rajeunissement, scénarisation.
- Canva devient AI-first, mettant l’intelligence artificielle au cœur de tous ses outils de design.
- Spotify et Udio ont signé des accords avec les majors (Universal, Sony, Warner) pour rémunérer ces dernières sur les morceaux générés par IA… même lorsqu’elles n’en sont pas à l’origine.
Pour les artistes et créateurs suisses, cette tendance impose une réflexion urgente. La Suisse romande, terre d’innovation culturelle, doit repenser ses modèles de droit d’auteur et d’éducation artistique pour rester indépendante et équitable.
En conclusion
Cette semaine du 4 novembre 2025 confirme ce que beaucoup redoutaient : l’IA n’est plus un outil, c’est un écosystème. Elle touche l’économie, la culture, la sécurité, la robotique et nos libertés individuelles.Depuis la Suisse romande, le message est clair : il faut comprendre, expérimenter et s’adapter. Car ne pas comprendre l’IA aujourd’hui, c’est risquer de ne plus comprendre le monde demain.

