Le mois d’octobre 2025 s’est ouvert sur un vacarme technologique. Entre les lancements tonitruants d’OpenAI, les bras de fer réglementaires en Europe, les mutations du travail et l’émergence d’une robotique toujours plus autonome, l’IA continue de s’infiltrer dans chaque interstice de nos vies.
Et comme toujours, on oscille entre fascination et inquiétude : entre le rêve de l’assistant parfait… et la crainte du majordome qui finit par décider à notre place.
Révolution OpenAI : Sora 2, Réseau Social et Commerce Agentique
OpenAI, décidément infatigable, a ouvert le bal avec Sora 2, son nouveau modèle de génération vidéo. Et autant le dire, c’est une claque visuelle.
Sora 2 ne se contente plus d’animer des images : il comprend littéralement la physique du monde. La glace glisse, la brume se dissipe, la lumière interagit avec les objets d’une manière si naturelle qu’on peine à croire que rien n’a été filmé. Le réalisme atteint un point tel que les frontières entre création et falsification deviennent floues — voire dangereusement poreuses.
La fonctionnalité Cameo, permettant d’intégrer son propre visage ou celui de célébrités comme Sam Altman dans une vidéo, illustre parfaitement ce paradoxe : d’un côté, une innovation géniale pour le cinéma et le jeu vidéo ; de l’autre, un cauchemar annoncé pour les acteurs et les studios de doublage.
Oui, Sora 2 fait rêver, mais aussi un peu trembler.
Et parce que rien n’arrête OpenAI, la firme lance dans la foulée la Sora App, un réseau social basé exclusivement sur des vidéos générées par IA. Une sorte de TikTok sans humains, où la créativité devient algorithmique. Disponible pour l’instant sur iOS en Amérique du Nord, ce réseau pourrait redéfinir la culture visuelle mondiale. Sam Altman, fidèle à sa philosophie du “tout est permis jusqu’à ce qu’on se plaigne”, a précisé que les ayants droit devront eux-mêmes signaler s’ils refusent que leur image soit utilisée. Autrement dit : bienvenue dans l’ère du opt-out artistique.
Et pendant que l’on digère cette nouvelle, OpenAI atteint une valorisation record de 500 milliards de dollars, dépassant Apple et Microsoft. L’entreprise lance aussi l’Instant Checkout, un système de commerce agentique développé avec Stripe et Shopify : vous demandez un produit à ChatGPT, il l’achète pour vous — sans que vous ayez besoin d’ouvrir un site.
C’est pratique. Trop pratique, peut-être. Le risque, c’est qu’à force de laisser l’IA faire nos courses, on finisse par lui laisser choisir notre vie.
Les Géants de la Tech à l’Heure de l’IA Totale
Microsoft continue son virage AI-first avec la suite Microsoft 365 Premium (20 dollars/mois). Copilot s’invite dans Word, PowerPoint, bientôt Excel : il rédige, synthétise, crée et réécrit. Autrement dit, il fait tout ce que l’on déteste faire — et parfois mieux que nous.
Reste à savoir combien de temps avant que les “Power Users” soient eux aussi remplacés par leurs propres assistants IA.
Google, fidèle à sa stratégie de tout intégrer partout, a fusionné son Assistant avec Gemini. Sur Android, Pixel, Nest et même les télévisions connectées, Gemini agit désormais comme un majordome numérique capable de gérer la maison, le courrier, et même les conversations. L’utilisateur n’a plus qu’à… exister.
Pendant ce temps, Perplexity entre dans la danse avec Comet, un navigateur propulsé par IA. Il peut ouvrir des onglets, résumer des articles, ou envoyer des mails à votre place. L’outil est fascinant, mais une faille déjà connue — le “Comet jacking” — permettrait à des liens malveillants de lui faire exécuter des ordres dangereux, comme transférer de l’argent ou accéder à vos comptes.
La morale ? Quand votre navigateur devient un cerveau, mieux vaut espérer qu’il ne prenne pas un virus.
Et pendant que tout le monde avance à vitesse lumière, Amazon patine. Son assistant Alexa Plus peine à débarquer en Europe, et ses livraisons par drone viennent de se solder par un accident absurde : deux appareils Prime Air se sont percutés… sur une grue. Apparemment, les algorithmes ne regardaient pas en l’air.
L’Europe Entre Paralysie Réglementaire et Rébellion Numérique
Sur le Vieux Continent, le fameux AI Act — partiellement entré en vigueur le 2 août — fait déjà des ravages administratifs. Complexe, rigide et souvent contradictoire, il plonge les entreprises européennes dans un brouillard réglementaire. Certaines estiment qu’il faudra deux ans pour obtenir une certification.
Résultat : l’Europe crée un AI Act Service Desk à 700 millions d’euros pour… expliquer son propre texte. Une bureaucratie pour décoder la bureaucratie. Ironique, mais tellement européen.
Pendant ce temps, Meta se fiche royalement des règles. Mark Zuckerberg a annoncé que Facebook, Instagram et Messenger utiliseraient les discussions privées et l’IA pour le ciblage publicitaire — sans offrir d’option de refus. Une manière subtile de dire : “Vos lois, vos données, même combat.”
L’IA et l’Emploi : la Réalité Rattrape la Fiction
Le cabinet de conseil Accenture, géant parmi les géants, a licencié 11 000 employés pour “inadaptation à l’IA”. Paradoxalement, l’entreprise investit 1,8 milliard de dollars dans de nouveaux services IA et forme 700 000 collaborateurs restants à “collaborer avec les machines”.
Un plan social déguisé en plan de formation : bienvenue dans le capitalisme 5.0.
La Guerre des Wikis : Grok Contre Wikipédia
La bataille de la connaissance est ouverte.
Wikipédia rend sa base de données vectorielle (RAG) disponible pour les IA, via le Wikidata Embedding Project. En réponse, Elon Musk lance Grokipedia, un “wiki anti-woke” censé nourrir son IA Grok.
Deux visions du savoir s’affrontent : l’une ouverte, l’autre propriétaire — et toutes deux servies par des machines.
Qui détient la vérité quand l’IA cite… une autre IA ?
Robotique, Sécurité et Géopolitique
Chez Nvidia, on ne fabrique plus seulement des GPU, on entraîne des cerveaux de robots. Le programme Newton, développé avec Google DeepMind, simule la physique réelle pour permettre aux robots d’apprendre à vider un lave-vaisselle avant même de toucher un vrai. L’apprentissage par simulation est désormais la norme.
Mais comme souvent, les progrès s’accompagnent de failles : les robots Unitree sont touchés par une vulnérabilité baptisée Unipone, permettant à un pirate de prendre le contrôle d’un robot et d’infecter tout un essaim. Oui, littéralement : une armée de robots zombies.
Au Japon, 50 % du contenu des jeux vidéo est désormais généré par IA. Les robots humanoïdes Astra, développés par Telexistence, seront bientôt déployés dans les magasins Seven-Eleven. Là-bas, le futur ne se discute pas — il se sert avec des pinces mécaniques.
Sur le plan géopolitique, la Chine a répliqué à la menace américaine d’augmenter les taxes sur les visas H1B en lançant le Visa K, gratuit pour tous les chercheurs et ingénieurs IA souhaitant s’installer dans l’Empire du Milieu. Une manière polie de dire : “Si les États-Unis ferment leurs portes, la Chine les ouvre.”
Et pendant qu’on parle de contrôle, les États-Unis testent déjà la surveillance privée par drones. L’entreprise Flock Safety propose des services de sécurité pour particuliers et commerces, avec reconnaissance faciale et suivi automatique des véhicules.
Autrement dit, Big Brother ne travaille plus pour l’État : il a désormais un abonnement mensuel.
Conclusion : Le Marteau et la Main
Octobre 2025 confirme ce que nous pressentions déjà : l’IA n’est plus un outil, c’est une infrastructure. Une extension de notre société, de nos mains, de nos désirs… et parfois de nos erreurs.L’intelligence artificielle, comme le marteau, peut bâtir ou détruire. Entre de bonnes mains, elle sculpte le monde de demain. Entre de mauvaises, elle peut l’écraser.
Alors gardons bien le manche — et surtout, gardons la tête froide.


